L’activité partielle
Par Mathilde CADIOU et Yannis GREGORIADES
Il est des mécanismes bien utiles en temps de crise, et l’activité partielle en est.
Le dispositif de chômage partiel a été réformé par la loi de sécurisation de l’emploi du 14/06/2013 qui l’a simplifié et rebaptisé « activité partielle ». Il s’agit d’un régime d’aides aux entreprises faisant face à des difficultés conjoncturelles, avec pour objectif de préserver les emplois par la mise en place d’une réduction du temps de travail tout en bénéficiant d’aides financières sur les heures chômées.
C’est l’entreprise qui détermine le niveau de réduction du temps de travail nécessaire. Ainsi, la réduction d’activité peut se traduire par une réduction du temps de travail en dessous de la durée légale hebdomadaire dans l’établissement, et peut même aller jusqu’à la fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement.
L’article R.5122-1 du code du travail énonce les différents cas de recours à l’activité partielle, et parmi eux : les circonstances de caractère exceptionnel. Ce cas de recours vise essentiellement les cas de force majeure (évènement imprévisible, irrésistible et extérieur). C’est à dire une situation qui n’a pas pu être ni prévue, ni empêchée et qui n’est pas imputable à la personne qui peut s’en prévaloir. En l’état actuel c’est ce qui caractérise l’impact financier et économique causé par la survenance et la propagation du COVID-19.
En cette période de crise sanitaire, l’employeur est également tenu de protéger et préserver la santé de ses salariés. Conformément à l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur se doit de satisfaire à son obligation de sécurité et de résultat qui, selon les entreprises, peut être inapplicable dans le contexte actuel. Les mesures dites barrières prises par le Gouvernement mettent en difficulté les entreprises qui ne parviennent pas pour la plupart à les appliquer, et donc à respecter leur obligation de sécurité et de résultat. Le confinement mis en place paralyse aussi l’économie nationale. En ce sens l’activité partielle peut donc être demandée par les entreprises concernées.
Afin d’appréhender au mieux les risques sociaux et économiques relatifs à cette crise, il serait judicieux de comprendre le fonctionnement du mécanisme d’activité partielle, mais également d’étudier l’adaptation de ce dispositif au Covid-19.
- Le mécanisme d’activité partielle
- L’impact sur le salarié
L’activité partielle réduit temporairement le temps de travail des salariés, dans le cadre d’une suspension de leur contrat de travail. Lors des heures chômées, le salarié ne doit ni être sur son lieu de travail, ni à disposition de l’employeur, ni se conformer à ses directives.
- Quels sont les salariés éligibles au dispositif ?
Le recours à l’activité partielle est possible pour :
- Les CDI/CDD
- Les apprentis
- Les salariés à temps partiel (ou mi-temps thérapeutique) au prorata de leur taux d’activité
- Les télétravailleurs
Attention, les stagiaires ne peuvent pas bénéficier du dispositif d’activité partielle.
- L’indemnisation
Pour chaque heure chômée, le salarié perçoit une indemnité horaire correspondant à 70% de sa rémunération brute horaire chargé d’un taux réduit de Contribution Sociale Généralisée (CSG) de 6,2% et de Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) de 0,50% (ces deux contributions sont calculées sur la base de 98,25% de l’indemnité versée) soit environ 84% du salaire net horaire.
Attention, l’activité partielle est encadrée par un contingent d’heures qu’il ne faut pas dépasser qui est de 1 000 heures par an et par salarié.
Pour rappel, en France et au 1er janvier 2020 le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) est de : 1 539,42€ mensuel brut sur la base de la durée légale du travail (35h).
Quid du salaire de référence pris en compte dans le calcul de l’indemnité ? La référence est celle du traitement de congé, c’est à dire la référence pour la rémunération perçue lorsqu’on est en congés, de facto incluant les majorations horaires et les primes emploi.
En pratique pour les salariés : l’indemnité est versée par l’entreprise aux échéances habituelles de paie et visible sur le bulletin de paie à travers une ligne spécifique.
- Sur les droits du salarié
Le dispositif d’activité partielle n’a pas d’impact sur : les droits à congés, sur la validation des trimestres de retraite, sur la retraite complémentaire, sur l’impôt sur le revenu, sur les primes d’intéressement et de participation.
- L’impact pour l’employeur
Dans une période d’importantes difficultés pour l’entreprise, l’objectif souhaité à court terme est de faire face à des difficultés financières importantes. L’activité partielle permet donc à l’employeur de diminuer sa masse salariale sur les heures chômées.
- La demande
La mise en œuvre de l’activité partielle nécessite une autorisation préalable de l’administration pour un quota d’heures d’activité partielle par établissement sur une période de 6 mois en temps normal.
La demande est entièrement dématérialisée sur le site du gouvernement. En principe les demandes doivent être déposées en amont du placement effectif des salariés en activité partielle. Mais pour faire face aux circonstances exceptionnelles, l’employeur pourra déposer sa demande a posteriori.
Il est primordial de bien motiver la demande d’activité partielle afin que l’autorité administrative compétente, la DIRECCTE, autorise l’activité partielle. Il est nécessaire de démontrer que la situation dans laquelle se trouve l’entreprise justifie le bénéfice de ce dispositif.
- La compensation financière pour l’employeur
L’employeur de son côté perçoit, pour chaque heure chômée, une allocation cofinancée par l’Etat et l’UNEDIC dont le taux varie en fonction de l’effectif de l’entreprise. Cette allocation permet la prise en charge d’une partie de l’indemnité versée aux salariés.
Le recours à l’activité partielle permet à l’employeur une exonération de charges patronales sur les indemnités d’activité partielle versées aux salariés pour les heures chômées.
Le taux horaire de cette allocation d’activité partielle est de :
- 7,24€ pour les entreprises de 1 à 250 salariés
- 7,23 € pour les entreprises de plus de 250 salariés
- Les évolutions à venir
Attention, à ce stade la prudence est de rigueur, il s’agit avant tout de projets, ainsi ces éléments sont susceptibles d’évoluer.
- Les mesures du projet de décret en Conseil d’Etat
Les dispositions prévues par le projet de décret visent à permettre aux employeurs notamment :
- D’adresser une seule demande préalable d’autorisation d’activité partielle lorsque la demande concerne plusieurs établissements ;
- De bénéficier d’un délai de 30 jours à compter de la mise en activité partielle de l’entreprise pour déposer leur demande d’activité partielle ;
- D’envoyer l’avis du comité social et économique (CSE) dans un délai de deux mois à compter de la demande d’autorisation préalable ;
- De bénéficier d’une durée maximum de 12 mois d’autorisation d’activité partielle si cela est justifié (contre 6 mois actuellement au maximum) ;
- Le décret ouvre également le bénéfice de l’activité partielle aux salariés au forfait cadre, y compris lorsqu’il n’y a pas fermeture totale de l’établissement ;
- Il est à noter que le gouvernement s’est engagé à verser aux salariés bénéficiaires du dispositif d’activité partielle, une indemnité dans la limite de 70% de 4,5 SMIC.
- Les mesures de la loi d’urgence
Le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie COVID-19 a été adopté le 22/03/2020 par la commission mixte paritaire.
Ce texte autorise le gouvernement dans un délai de 3 mois (après publication au JO) à prendre par ordonnance certaines mesures (avec effet rétroactif au 12/03/2020) notamment :
- Limiter les ruptures de contrat de travail en facilitant le recours à l’activité partielle en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, et en réduisant le reste à charge pour l’employeur
- Adapter les dispositions relatives au maintien de salaire ;
- Imposer ou modifier la date de prise d’une partie des congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise des congés payés légales ou conventionnelles, sous réserve de la conclusion d’un accord collectif d’entreprise ou d’un accord de branche en la matière ;
- Imposer ou modifier unilatéralement les dates de JRTT, jours de repos prévus par les conventions de forfait affectés sur le compte épargne temps en dérogeant aux délais de prévenance et modalités d’utilisation ;
- Modifier les dates et modalités de versement des sommes dues au titre de l’intéressement et de la participation / idem pour la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ;
- Modifier les modalités d’information consultation du CSE ;
- Permettre aux entreprises de secteurs nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’OP et conventionnelles relatives au temps de travail.
Dès la publication de la loi au JO, le gouvernement devrait, dans la foulée, publier les premiers projets d’ordonnance.
En cette période de guerre sanitaire, il faut s’attendre à ce que le gouvernement prenne des mesures fortes pour relancer l’économie et préserver l’emploi.