Veille juridique - Octobre n°2

CJS - Pôle droit pénal

Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 7 octobre 2020, n°20-84.067

Un détenu n’a pu être soutenu par son avocat lors d’une audience concernant la prolongation de sa détention provisoire. Ce dernier avait pourtant émis une demande de renvoi d’audience.

La Cour de cassation affirme que le juge des libertés et de la détention n’est pas tenu d’y répondre si celle-ci est accompagnée seulement d’un justificatif illisible.


Les faits

Un homme a été mis en examen du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Il a été placé en détention le 16 février 2010. L’audience concernant la prolongation de la détention a été fixée au 8 juin 2020. L’avocat du mis en examen a formulé, trois jours avant l’audience, une demande de renvoi car il devait déjà assister à une autre audience le même jour. La demande de renvoi a été rejetée. La détention a été prolongée pour quatre mois lors de l’audience du 8 juin.


 La procédure

Un jugement a été rendu en première instance. Il a donné lieu à un appel. La cour d’appel a confirmé l’ordonnance de prolongation. L’homme placé en détention s’est pourvu en cassation.


 Qu’invoquait le demandeur ?

  • La violation des articles 1114, 137-3, 145-1, 145-2, 591, 593, 802 et 803-1 du code de procédure pénale et des articles 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
  • La demande de renvoi n’était pas dénuée de motif.
  • L’absence de réponse ne constitue un grief que dans l’hypothèse où une demande est dépourvue de motifs.

 

Quelle était la question posée ?

Le juge des libertés et de la détention est-il tenu de répondre à une demande de renvoi d’audience de prolongation de la détention ?


La réponse de la Cour de cassation :

La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi car :

  • En l’espèce la demande de renvoi était accompagnée seulement d’un justificatif illisible et cela ne permettait pas au juge d’en apprécier la pertinence.
  • Le juge n’est pas tenu de répondre à une demande de renvoi d’audience de prolongation de la détention quand celle-ci s’accompagne seulement d’un justificatif illisible.

 

Une jurisprudence hésitante :

De nombreuses décisions jurisprudentielles ont par le passé encadré la demande de renvoi d’audience.

Arrêt de la chambre criminelle du 15 juin 2010 : grand principe selon lequel les juges ne peuvent, sans motiver leur décision, refuser le renvoi d’une affaire sollicité par le prévenu en raison de l’absence de l’avocat choisi.

En ce qui concerne les audiences relatives à la détention provisoire, ce principe a été nuancé :

  • Arrêt du 23 juin 2015 de la chambre criminelle: confirmation du rejet, sans motif, par la chambre de l’instruction d’une demande de renvoi.
  • Arrêt du 12 décembre 2018: solution inverse.

L’arrêt étudié ici s’inscrit dans la lignée de celui rendu le 23 juin 2015.

Plus les délais de juridiction pour statuer sont limités, plus l’exigence de motivation quant à la demande de renvoi d’audience est importante. Ici, la demande de renvoi a été formulée par l’avocat seulement trois jours avant l’audience.


Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 n°20-83.273

La Cour de cassation confirme la requalification de viol en agression sexuelle estimant que ces considérations relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Elle approuve la nécessité d’une ‘profondeur significative’ de la pénétration pour qualifier l’élément matériel du viol.

Elle retient qu’il faut une intention particulière de pénétrer au-delà de l’intention d’agresser sexuellement pour caractériser l’élément intentionnel du viol.

Article 222-23 du Code pénal :

“Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol”.


Les faits

Le 2 mai 2017, une jeune fille âgée de 19 ans a dénoncé l’ex-compagnon de sa mère pour des faits allégués d’agression sexuelle et de viol.

Elle décrit notamment l’habitude pris par ce dernier de lui « imposer de se déshabiller », de lui « caresser le vagin et les fesses, se frottant contre elle et lui léchant le sexe », des faits habituels depuis ses 13 ans. Elle précise qu’il l’aurait également « pénétrée avec sa langue à force d’insister ».


La procédure

Le mis-en-cause avait originellement été mis en examen pour des chefs de viol et agressions sexuelles aggravés mais le juge d’instruction a opéré une requalification des faits de viols commis par une personne ayant autorité sur la victime en fait d’agression sexuelle incestueuse par personne ayant autorité sur la victime, retenant donc l’agression sexuelle et non le viol et renvoyant l’affaire devant le tribunal correctionnel. La plaignante interjette appel puis forme un pourvoi en cassation.


Qu’en a pensé la chambre de l’instruction ?

Les juges du fond ont confirmé la requalification en agression sexuelle.

  • Sur l’élément matériel : les juges demandent une “profondeur significative”
  • Sur l’élément intentionnel :durant les atteintes sexuelles habituelles, le prévenu avait pris “soin” de ne jamais la pénétrer auparavant
  • Donc pas d’acte délibéré de pénétration et donc l’intention n’était pas établie.


Qu’invoquait la victime ?

  • Sur l’élément matériel: la profondeur de la pénétration sexuelle n’est pas une condition de qualification du viol aux termes de l’article 222-23 du code pénal.
  • Sur l’élément intentionnel : Etant donné que l’agression sexuelle était volontaire, le « soin » apporté par le prévenu lors des multiples atteintes sexuelles ne permet pas de motiver l’absence d’intention de pénétrer au moment des faits.


Quelle était la question posée ?

Faut-il alors désormais prendre en compte des considérations de profondeur et de précise volonté de pénétrer ou non lors d’une agression sexuelle pour pouvoir emporter la qualification du viol ?


La réponse de la Cour de cassation

La Cour de cassation rejette le pourvoi et laisse aux juges du fond l’appréciation souveraine des faits énoncés.

Elle donne la possibilité à la chambre de l’instruction de requérir de nouveaux critères de profondeur ainsi qu’une conception restrictive de l’intention pour caractériser le viol.


La question de la requalification

La requalification de viol en agression sexuelle est loin d’être rare, il s’agit même d’une tendance largement affirmée dans les tribunaux, souvent pour des considérations de célérité et de preuves, les tribunaux correctionnels vont effectivement plus vite et prouver l’agression sexuelle est une tâche plus aisée que de prouver le viol, permettant ainsi de ne pas risquer l’acquittement devant une cour d’assises.


Une solution largement discutée

Alors même que la loi donne une définition précise du viol, catégorisé comme un crime rendant donc les cours d’assises compétentes pour en connaitre, la chambre de l’instruction pose ici de nouveaux critères inédits qui pourraient sérieusement redéfinir la notion même de viol. En effet, elle demande des précisions de profondeur, d’intensité et de mouvement pour retenir l’élément matériel de pénétration. Or, la Cour de cassation ne censure pas cette analyse nouvelle qui, pourtant, s’éloigne de l’interprétation stricte de l’article 222-3 du code pénal. Reste à voir si cette jurisprudence se pérennise.


Arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 6 octobre 2020 n°20-83.272

La Cour de Justice consacre le recours à un contrôle de proportionnalité entre le contenu de mesures ponctuelles et limitées, qui viendraient porter atteinte à l’interdiction pour les États d’obliger les fournisseurs de services de communication à leur transmettre les données de localisation, et le but recherché par ces mesures qui est la sécurité nationale.

Elle précise ainsi les prérogatives laissées aux États par la directive “ePrivacy” dans le cadre de la conservation des données à des fins de sécurité nationale et notamment de lutte contre le terrorisme.


Le contexte

La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est largement intéressée ces dernières années à la question de la conservation des données personnelles des citoyens européens par les États membres, notamment pour des raisons de protection de la sécurité nationale.

Elle s’était d’ailleurs montrée stricte dans le champ des prérogatives laissées aux États membres, notamment dans son arrêt Télé 2 de 2016, en considérant qu’ils ne pouvaient imposer aux fournisseurs de services de communications électroniques une obligation de conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et à la communication.

Suite à cette jurisprudence, les États membres se sont inquiétés en craignant de ne plus avoir accès à des instruments qu’ils considéraient nécessaires à la protection de la sécurité nationale, notamment dans un contexte de terrorisme grandissant.


Les faits

Des dispositions de la législation française imposaient une obligation pour les fournisseurs de services de communications électroniques de transmettre à une autorité publique, ou de conserver de manière généralisée et indifférenciée, les données des utilisateurs relatives au trafic et à leur localisation.

Le Conseil d’État a renvoyé devant le CJUE qui question préjudicielle concernant la compatibilité de ces mesures avec la directive de 2002 dite “vie privée et communication électronique” ou “ePrivacy”.


La réponse de la CJUE en 3 temps

  • Elle rappelle le principe posé par la directive d’une interdiction pour les États d’imposer une transmission des données aux fournisseurs.
  • Elle rappelle néanmoins que la directive limite elle-même sa portée en autorisant les États à adopter des mesures de conservation des données, à la condition qu’elles soient nécessaires, appropriées, proportionnées pour sauvegarder la sécurité nationale.

Ces dérogations doivent ainsi respecter le principe de proportionnalité et les droits fondamentaux garantis par la Convention.

Ces mesures peuvent notamment prendre la forme d’injonctions des États à conserver les données, à la condition qu’elles soient limitées dans le temps et au strict nécessaire.

  • Elle consacre ainsi le recours à un contrôle de proportionnalité entre le contenu de l’injonction temporaire des autorités publiques et le but qu’elles recherchent, c’est-à-dire la sécurité nationale.


Conséquences de la décision

Application du contrôle par la Cour

La cour a par conséquent appliqué ce contrôle à l’ensemble des mesures litigieuses au cas par cas, en confirment ou écartant l’incompatibilité avec le droit européen de chaque disposition selon son contenu et le but précis poursuivi.

Portée de la décision sur les pouvoirs des États

Les nécessités de lutte contre la criminalité et le terrorisme liées aux impératifs de sécurité nationale sont prises en compte par la Cour, qui permet ainsi aux États de membres de recourir à des méthodes de conservation des données détenues par les fournisseurs de services de télécommunication, à la condition qu’elles soient proportionnées au but recherché, ce qui permet de les concilier avec l’impératif de protection des droits des citoyens européens.


Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 octobre 2020 : 20-82.376

 

Les faits

Le 7 septembre 2018, un homme a été placé sous mandat de dépôt criminel avant d’être transféré en Belgique dans le cadre d’une décision d’enquête européenne. En raison de l’épidémie de la covid-19, il n’était pas possible d’effectuer son retour, les transferts étant suspendus durant quinze jours à partir du 16 mars.


La procédure

Le détenu forme une demande de mise en liberté qui est rejetée peu de jours après par le juge des libertés et de la détention. Le détenu interjette donc appel. Les juges du fond confirment l’ordonnance du maintien en détention en raison de la situation sanitaire qui constitue une circonstance « insurmontable et imprévisible » ayant fait obstacle au transfert du détenu. Le détenu forme alors un pourvoi en cassation.


Que retient la chambre de de l’instruction ?

Le confinement était une circonstance insurmontable et imprévisible pouvant faire obstacle au retour d’un détenu transféré temporairement alors que le respect du délai de transfèrement fixé pour l’exécution d’une décision d’enquête européenne s’impose à peine de remise en liberté.


Qu’invoquait le demandeur ?

Manque de base légale au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et 694-45 du code de procédure pénale.

Violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme en n’ordonnant pas les mesures nécessaires pour assurer la communication entre lui et son avocat ou en ne constatant pas les circonstances insurmontables qui auraient empêché ces mesures.


Quelle était la question posée ?

Le confinement constitue-t-il une circonstance insurmontable et imprévisible de nature à justifier le dépassement du délai fixé pour le retour d’un détenu transféré temporairement au titre d’une décision qu’enquête européenne ?


La solution de la Cour de cassation

La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle confirme que le confinement ordonné en raison de la situation sanitaire constitue une circonstance insurmontable et imprévisible pouvant faire obstacle au retour du détenu transféré temporairement au titre d’une décision d’enquête européenne.

Le dépassement du délai fixé pour le retour d’une personne détenue transférée temporairement ne doit pas être sanctionné. Le conseil du détenu aurait dû solliciter un renvoi de l’audience de la chambre de l’instruction rendu possible par la prolongation du délai prévu à l’article 194 du code de procédure pénale en application de l’article 18 de l’ordonnance du 25 mars 2020.


Quelles sont les interrogations que cet arrêt soulève ?

Le confinement est-il vraiment, en l’espèce, une circonstance insurmontable et imprévisible ?

Le caractère insurmontable peut être remis en cause dans la mesure où de nombreux ressortissant français ont été rapatriés dans cette situation de crise sanitaire.

De plus, le caractère imprévisible est également critiquable puisque la mise en place du confinement dans d’autres pays et l’évolution de l’épidémie sur le territoire français depuis le mois de février rendaient ce confinement prévisible. Mais le transfert en Belgique a eu lieu le 11 février 2020 et à cette date, le confinement ne pouvait être perçu comme prévisible.


Quelques précisions

L’ordonnance du 25 mars 2020 a pour but de faire face à l’épidémie. Elle allonge les délais de détention et de jugement pour que les juridictions puissent continuer à assurer leur activité essentielle au maintien de l’ordre public.

Article 18 de l’ordonnance 

« Les délais impartis à la chambre de l’instruction ou à une juridiction de jugement par les dispositions du code de procédure pénale pour statuer sur une demande de mise en liberté sur l’appel d’une ordonnance de refus de mise en liberté, ou sur tout autre recours en matière de détention provisoire et d’assignation à résidence avec surveillance électronique ou de contrôle judiciaire, sont augmentés d’un mois ».

 

Conseil constitutionnel, 2 octobre 2020 – Question Prioritaire de Constitutionnalité n°2020-858/859

L’article 144-1 CPC est inconstitutionnel en ce qu’il ne permet pas de mettre fin à des conditions inhumaines et dégradantes de détention provisoire.


Les faits

Un homme placé en détention provisoire dans le cadre d’une information judiciaire a vu sa demande de remise en liberté rejetée par le juge de libertés et de la détention.


La procédure

Le détenu interjette appel de la décision de rejet devant la chambre d’instruction. Il a ensuite formé un pourvoi en cassation qui a conduit les juges de la chambre criminelle à renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil Constitutionnel.

 

Qu’invoquait le demandeur ?

Les articles 137-3, 144 et 144-1 CPC constituent une violation de l’article 3 de la CEDH, en ce qu’ils ne prévoient pas de moyen immédiat et effectif pour le juge de faire cesser des conditions inhumaines ou dégradantes de détention.

Arrêt de la chambre criminelle du 8 juillet 2020 (n°20-81. 739) qui renvoie la QPC relatives à ces articles devant le Conseil Constitutionnel.

C’est l’article 144-1 qui est mis en cause > il impose au JLD ou au juge d’instruction de faire cesser immédiatement une mesure de détention provisoire dès qu’il constate que les conditions de l’article 144 ne sont plus remplies.  MAIS il ne contient pas, dans sa rédaction actuelle, une telle obligation pour le cas d’une constatation d’une violation des exigences de dignité humaine de l’article 3 de la Convention.

 

Positions antérieures

  • Chambre Criminelle, Cass, 18 septembre 2019 (n°10-83.950)

Des conditions indignes de détention ne sont pas de nature à justifier une demande de remise en liberté, mais seulement une indemnisation au titre de la responsabilité de la puissance publique. Ainsi, seuls l’état de santé du détenu ou la constatation que les conditions de l’article 144 ne sont plus remplies peuvent justifier une demande de mise en liberté.

  • CEDH, J.M.B et autres c. France, 30 janvier 2020 (n°9671/15)

Pour qu’un recours soit conforme aux droits garantis par l’article 3 de la Convention, il doit permettre de faire cesser immédiatement une violation du droit à des conditions humaines de détention, et non pas seulement permettre une indemnisation du détenu.

  • De ce fait, les articles 137-1, 144 et 144-1 ne répondent pas aux exigences de la Convention.
  • Condamnation de la France.

Que répond le Conseil Constitutionnel le 2 octobre 2020 ?

Le Conseil s’est aligné avec la position de la Cour européenne en déclarant d’inconstitutionnel l’article 144-1 du Code de procédure pénale.

Il a admis que les dispositions de cet article ne permettaient au justiciable « aucun recours devant le juge judiciaire » afin d’obtenir « qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant de sa détention provisoire », ce qui constituait une violation de l’article 3 de la Convention.

Cette solution permet ainsi de renforcer la protection des détenus en consacrant qu’une détention provisoire humainement indigne ou dégradante doit conduire à une remise en liberté de détenu, et pas seulement à une compensation du préjudice enduré grâce à des indemnités

Cette inconstitutionnalité ne prendra effet qu’à partir du 1er mars 2021 afin de permettre au législateur de réécrire les dispositions sans entraîner de conséquences excessives sur le fonctionnement actuel du système judiciaire.

 

 

Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 : 20-83.011

Un mineur encourant une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave peut faire l’objet d’une mesure de privation de liberté en exécution d’un mandat d’amener sans atteinte disproportionnée à ses droits et libertés même s’il ne peut pas, par ailleurs, être placé en détention provisoire.


Faits

Un mineur faisant déjà l’objet d’une mesure de contrôle judiciaire pour des faits de vols en réunion a de nouveau été placé en garde à vue pour des faits de vols aggravés.

 

Procédure

Le juge d’instruction de permanence a délivré un mandat d’amener à son encontre le 6 mars 2020, le mineur a été écroué le jour suivant en exécution de ce mandat dans un établissement pénitentiaire. Le juge des enfants a ordonné sa libération le 9 mars, décision dont le ministère public interjette appel. La chambre de l’instruction confirme la décision du juge des enfants.

 

Qu’invoquait le ministère public ?

Il soutient ici qu’il n’y avait pas lieu pour le juge des enfants d’ordonner la libération du mis en cause dans la mesure où le mineur n’était pas en détention provisoire. Le juge des enfants avait simplement le pouvoir d’émettre un refus de transfèrement.

 

Qu’en a pensé la Cour d’appel ?

Pour la chambre de l’instruction, le mineur, qui ne peut pas faire l’objet d’une mesure de détention provisoire au regard de son âge et de la qualification des faits qui lui sont imputés, ne peut alors pas non plus subir une privation de liberté en application d’un mandat d’amener.

** Pour comprendre le cadre de cette décision :

Le mandat d’amener est un ordre donné à la police de conduire le mis en cause devant le juge d’instruction.  (Art 122 al 5 CPP). 

Une personne arrêtée qui fait l’objet d’un mandat d’amener ne peut pas être retenue pendant plus de 24h sans être interrogée, sinon elle est considérée comme étant arbitrairement détenue (art 126 al 1 CPP).  Si la personne n’a pas pu être amenée devant le juge d’instruction dans ce délai car située trop loin, elle est susceptible d’être transférée. En attendant le transfert ou si le mis-en-cause s’oppose à celui-ci, il sera conduit en maison d’arrêt. (Art 128 CPP)

 

Quelle était la question posée à la Cour de cassation ?

La privation de liberté en exécution d’un mandat d’amener porte-elle une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle du mineur qui ne peut par ailleurs pas faire l’objet d’une mesure de détention provisoire ?

 

La réponse de la Cour de cassation

Le mineur ne pouvait pas être placé en détention provisoire au regard de l’ordonnance de 1945 mais la Cour de cassation casse l’arrêt car elle n’assimile pas la privation de liberté résultant du mandat d’amener à la détention provisoire. Il s’agit certes d’une mesure qui porte atteinte à la liberté individuelle, cependant elle ne serait pas disproportionnée au regard de la nécessité de recherche des auteurs d’infractions et de prévention des atteintes à l’ordre public à partir du moment où la personne faisant l’objet de cette mesure encourt une peine d’emprisonnement correctionnelle ou une peine plus grave (référence à une décision du conseil constitutionnel en date du 24 juin 2011 rendue sur QPC).


Rappel

Le conseil constitutionnel avait déjà été saisi d’une QPC sur la question de savoir si les dispositions relatives au transfert en maison d’arrêt dans le cadre du mandat d’amener étaient conformes à la Constitution puisque ce transfert pouvait être décidé par un procureur et non un juge garant de la liberté individuelle.

Le conseil constitutionnel a alors introduit la distinction dont se sert ici la cour de cassation : la privation de liberté causée par l’exécution du mandat d’amener et le transfert ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’exercice des libertés constitutionnellement garanties lorsque la peine encourue par le mis-en-cause est une peine d’emprisonnement correctionnelle ou plus grave.

 

Qu’est-il possible de dire de cet arrêt ?

Cependant la Cour de cassation ajoute à cela une nouvelle condition intéressante :

    → La mis-en-cause mineur ne pouvant pas être placé en détention provisoire, il peut toutefois faire l’objet d’une mesure privative de liberté dans le cadre du mandat d’amener quand il encourt une peine d’emprisonnement au moins correctionnelle. Ce qui favorise donc plutôt la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions