Veille juridique - Janvier

CJS – Pôle droit pénal

COUR DE CASSATION CRIM, 24 JANVIER 2023, n° 21-85.569

La chambre criminelle de la Cour de cassation rend un arrêt publié au bulletin, le 24 janvier
2023, ayant pour thème la justice militaire, elle donne en effet des précisions quant à la poursuite
des infractions commises par des militaires. En conséquence, le procureur de la république doit
obligatoirement demander l’avis du ministre de la défense ou de l’autorité militaire, avant tout acte
de poursuite.

En l’espèce, un militaire de la marine nationale est décédé lors d’une mission. Differentes
procédures ont étaient mises en place afin de chercher les raisons de ce décès. Par la suite, le
procureur de la république adresse une demande d’avis au ministre chargé de la défense et, d’autre
part, délivre un réquisitoire introductif contre personne non dénommée du chef d’homicide
involontaire en visant l’urgence à faire procéder à des analyses techniques dans le cadre d’une
information judiciaire. Par la suite, au visa de l’urgence, le ministre chargé de la défense a émis un
avis favorable à l’ouverture d’une information judiciaire, soulignant notamment le « caractère
impératif » de l’identification des causes de la mort du milliatire et la nécessité de lever les
incertitudes sur d’éventuels dysfonctionnements du matériel de plongée. Ensuite, le procureur de la
République adresse, au ministre chargé de la défense des demandes d’avis relatifs aux accidents de
plongée dont avaient été victimes des militaires.Le ministre a émis deux avis favorables. Enfin, par
réquisitoires supplétifs du chef de blessures involontaires par manquement manifestement délibéré à
une obligation de sécurité ou de prudence, ayant occasionné une incapacité totale de travail
supérieure à trois mois, la saisine du juge d’instruction a été étendue à ces deux accidents.Les
indivudus soupconnées dans cette accident sont mis en examen ainsi qu’une société.
En conséquence, plusieurs personnes mises en examen déposent des requêtes en nullité du
réquisitoire introductif et de la procédure subséquente, prises notamment du défaut d’obtention de
l’avis du ministre chargé de la défense préalablement à l’engagement de l’action publique. La
chambre de l’instruction de la cour d’appel, prononce la nullité du réquisitoire introductif et des
actes subséquents.

Le procureur général près la cour d’appel de Rennes ainsi que les parties civiles dans le
litige forment des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel.
La question qui se pose alors aux juges dans cette décison est la suivante : un acte de
poursuite peut-il être ordonné par le procureur de la République avant que l’avis du ministre chargé
de la défense ou celui de l’autorité militaire figure au dossier de la procédure ?
La chambre criminelle rejette le pourvoi du procureur géneral mais casse et annule l’arrêt de
la chambre d’instruction de la cour d’appel et donc accepte le pourvoi des parties civiles au visa de
l’article 698-1 du code de procédure pénale. Elle juge effectivement que l’urgence était bien
constitué et donc le procureur de la république pouvait orodonner un acte de poursuite sans retour
de la demande d’avis.

Veille pénale : arrêt du 10 janvier 2023

Pourvoi n° 20-85.968 Chambre criminelle – Formation de section

I- Fiche d’arrêt

La chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 10 janvier 2023 publié au
bulletin, se prononce quant aux conditions de requalification des faits par les juges du fond,
notamment sur la distinction entre la menace de mort et la provocation directe à des actes de
terrorisme.

En l’espèce, un jugement du tribunal correctionnel du 24 juin 2020 poursuit un prévenu pour
des chefs de recel et menaces de mort réitérées, en récidive, a requalifié les faits comme
provocation à des actes de terrorisme et, rend l’interessé coupable de ces deux délits. Il est
condamné à 3 ans d’emprisonnement. La cour d’appel de Rouen confirme le jugement, condamne le
prévenu pour les mêmes faits et ordonne une mesure de confiscation. Le prévenu puis le ministère
public forment un pourvoi en cassation pour trois motifs. D’abord, les juridictions correctionnelles
ne peuvent ajouter aux faits de la prévention d’autres faits que ceux retenus dans l’acte de saisine,
sauf si le prévenu accepte d’être jugé sur des faits nouveaux. Ensuite, la requalification n’est
possible que si le prévenu est en mesure de présenter sa défense sur la nouvelle qualification
envisagée en respectant l’exercice des droits de la défense. Enfin, en l’espèce, que les menaces ne
peuvent pas être requalifiée de provocation directe à des actes de terrorisme.
Les juges du fond peuvent-ils requalifier des menaces de mort en provocation directe à des
actes de terrorisme ? Si oui, à quelles conditions ?

La Cour casse l’arrêt en ses seules dispositions relatives à la condamnation du chef de
provocation directe à commettre des actes de terrorisme et aux peines pour méconnaissance de
l’article 388 du Code de procédure pénale. En principe, la requalification est possible. Cependant,
en l’espèce, deux conditions indispensables ne sont pas respectées. D’une part, la requalification
n’obéit pas à la définition de la provocation directe à des actes de terrorisme. D’autre part, le
prévenu n’a pas accepté la requalification de l’infraction de menace en provocation directe à
commettre un acte de terrorisme.

II- “Commentaire”

Le principe de légalité explicité à l’article 111-3 du Code pénal interdit qu’un comportement
soit réprimé s’il n’est pas prévu par un texte pénal. Par conséquent, les juges ont l’obligation
d’assurer aux faits leur qualification exacte. Cependant, cet arrêt de la chambre criminelle de la
Cour de cassation en date du 10 janvier 2023 rappelle que le pouvoir de requalification des juges
doit obéir à certaines conditions.

Une de ces conditions est l’interdiction d’ajouter ou de substituer des éléments à des faits
distincts à ceux de la prévention, sauf si le prévenu l’accepte. En l’espèce, puisque les faits retenus
pour affirmer le caractère terroriste des actes n’étaient pas compris dans la citation, il ne peut pas y
avoir requalification.

L’explication de cette condition se trouve dans la jurisprudence antérieure. De nombreux
arrêts ont averti que, s’il appartient aux juges répressif de restituer aux faits dont ils ont été saisis
leur exacte qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de présenter sa
défense sur la nouvelle qualification envisagée. A titre d’exemple, la requalification des tentatives
d’escroquerie et abus de faiblesse en complicité desdits délits sans avoir invité le prévenu à
s’expliquer sur les nouveaux faits n’est pas acceptable (Crim, 22 janv., 2003, n°02-80.657). A
contrario, si la cour d’appel requalifie les faits visés à la prévention a mis les prévenu en mesure de
s’expliquer sur la nouvelle qualification retenue, alors il n’y a pas méconnaissance des droits de la
défense (Crim, 28 janv 2004, n°02-85.141).

L’explication de la Cour de cassation n’est pas explicite : pourquoi cette requalification estelle refusée ? Il est possible d’interpréter que la requalification n’a pas été retenue car, dans la
lignée des arrêts précédents, il y a un non-respect implicite des droits de la défense. En effet, un
prévenu jugé sur des faits et circonstances qui ne sont pas compris dans la poursuite ne pourrait pas
se défendre au sens de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales.

Décision n° 2022-1031 QPC du 19 janvier 2023

Faits : Un homme a été poursuivi pour des chefs de fraude fiscale.

Procédure : Une ordonnance a été prononcé sur une contestation élevée en matière de saisie
effectuée au cabinet ou au domicile d’un avocat. L’homme a interjeté appel de cette ordonnance.
Cependant, par une autre ordonnance du 2 juin 2022 la chambre de l’instruction de la cour d’appel
d’Aix-en-Provence a déclaré irrecevables ses demandes en appel. L’homme se pourvoit alors en
cassation et soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a été transmise au
Conseil Constitutionnel par la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt en date du
25 octobre 2022 (n° 22-83.757). Le requérant conteste la lecture combinée des article 56-1 du code
de procédure pénale et L.16B du livre des procédures fiscales. Il soutient en effet qu’en donnant
compétence au juge des libertés et de la détention (JLD) pour statuer sur la contestation d’une saisie
opérée à l’occasion d’une perquisition dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ; alors que ce
dernier est également le juge compétent pour l’autoriser et parfois l’effectuer sur demande de
l’administration fiscale méconnaîtrait le principe d’impartialité des juridictions.

La question soulevée par le requérant est la suivante : La lecture combinée des articles
des articles 56-1 du code de procédure pénale et L. 16B du livre des procédures fiscales, en ce
qu’elles conduisent, lors d’une opération de visite et de saisie au cabinet ou au domicile d’un avocat,
à ce que le JLD soit le juge qui, tout à la fois, autorise la saisie sur demande de l’administration
fiscale mais aussi celui qui l’effectue puis encore celui qui la contrôle lors de l’audience de
contestation ultérieure élevée par le représentant du bâtonnier au nom du secret professionnel, sontelles conformes au principe d’impartialité des juridictions qui découle de l’article 16 de la
Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 ? »

Réponse du Conseil Constitutionnel : Les membres du Conseil Constitutionnel répondent
par l’affirmative. Ils reconnaissent le principe d’impartialité des juridictions découlant de l’article
16 de la DDHC. Cependant, le principe d’impartialité n’exclut pas la possibilité que le JLD qui a
autorisé une perquisition statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion par un
autre JLD. En revanche, ces dispositions ne permettent pas qu’un même JLD effectue une saisie et
statue sur sa contestation car ceci violerait le principe d’impartialité.

La réponse du Conseil constitutionnel est bienvenue car cette question n’avait jamais été
tranchée. Il peut toutefois être remarqué que le raisonnement du Conseil Constitutionnel avait été le
même dans une décision antérieure, en matière de contestation de perquisition sur le fondement de
l’article 802-2 du code de procédure pénale. En effet, le Conseil constitutionnel avait estimé que le
JLD qui avait ordonné la perquisition ne devait pas être le même que celui qui statue sur son
annulation. (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 DC).
Lien de la décision : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221031QPC.htm

Merci de bien vouloir trouver le veille juridique sous forme PDF également:

https://cliniquejuridiquesorbonne.com/wp-content/uploads/2023/03/Veille-penale-janvier-2023.pdf

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *